Sur les traces des Jacquets 

L'important ce n'est pas le but, l'important c'est le chemin. 

L'Europe par les Chemins de St-Jacques de Compostelle 

Caminoropa 

 

 

 A propos - Contact - Accueil                                                                               Copyright 2021                                                                                         

château de Josselin
Gap

de la chaîne du Jura aux Alpes valaisannes - mai 2013 et 2014 

place Pestalozzi à Yverdon-les-Bains
vers L'Auberson
mosaïque romaine
château d'Aigle
château de Chillon
vignoble du Lavaux
la Venoge au Nozon
abbatiale de Romainmôtier
voie à ornières

  

L’Auberson - Yverdon-les-Bains       

20 km 

  

C’est à la frontière française que débute pour moi la VF, au lieu dit «Grand Borne». Nous sommes dans les montagnes du Jura, et c’est un paysage de pâturages qui s’offre au regard. La distance jusqu’au premier village, L’Auberson, n’est que d’environ 2 km. Je ne m’attarde pas trop sur les crêtes car un orage semble s’approcher. J’ai pris avec moi une credential pour la Via Francigena et c’est dans un centre de rencontres chrétien que l’on appose le premier tampon. Je poursuis en passant le petit col des Etroits et arrive à Ste-Croix, localité célèbre pour ses automates et boîtes à musique. Le surnom de balcon du Jura lui va à merveille. L’orage s’est éloigné et c’est par un temps radieux que je commence la descente à travers une très belle forêt.  

  

Deux possibilités s’offrent à moi, soit de choisir la plus touristique, qui passe par les gorges de Covatannaz, en empruntant des passerelles accrochées au rocher, soit de suivre la Voie historique. Celle-ci a la particularité de présenter une route à ornières, taillée dans le calcaire, unique en Suisse par son état de conservation, sa longeur (1,5 km) et sa dénivellation (330 m). Il n’y avait au début qu’un sentier muletier mais l’augmentation du trafic, lié notamment au transport du sel, a conduit à cette amélioration notable. Il fallait tout de même être très courageux voire un peu fou pour se lancer avec des chariots dans ces pentes. On freinait les roues à l’aide de chaînes. Les traces s’usaient vite, au bout de 15 à 20 ans. On creusait dès lors une nouvelle ornière en contre-bas, en laissant celle du haut. Depuis 1317 jusqu’en 1760, date de la construction de la nouvelle route, on a dénombré trente tracés différents, avec des croisements, des voies de garage et des carrefours.  

  

Une fois en bas de la côte, à Vuiteboeuf, il ne me reste plus qu’à descendre les dernières collines, pendant deux heures, à travers des jolis bois, et j’atteins les hauteurs d’Yverdon-les-Bains. Cette ville au bord du lac de Neuchâtel est la plus importante station thermale de la Suisse romande, avec une source riche en soufre et en magnésium. Elle a une histoire très riche. Des traces de peuplement de ses rives remontent à 6000 ans, avec des menhirs et des pilotis de maisons lacustres. Je cherche un moment l’emplacement du Gîte du Passant, recommandé par le Guide du routard. Je suis le dernier hôte pour ce soir car tous les environs sont remplis par des sympathiques cyclo-touristes français. Ils sont au nombre de 1500 et découvrent pendant cette semaine ce coin de pays. Je rencontre des gens formidables, certains d’un âge respectable mais qui savent croquer la vie à pleine dents et qui jouissent d’une forme resplendissante. Certains font plusieurs milliers de kilomètres par année et sont même allés jusqu’en Chine en vélo. C’est donc une soirée riche en partage qui s’écoule paisiblement.  

 


 

Yverdon-les-Bains  - Orbe/Chavornay     

20 km 

  

Après une visite du centre-ville piétonnier, je m’éloigne d’Yverdon-les-Bains par les collines au pied du Jura vaudois, en contournant un champ d’exercice militaire où on tire à tout va et je marche vers le sud en direction d’Orbe. Par chance l’itinéraire évite soigneusement la plaine, d’un ennui mortel pour le marcheur, et surtout en plein cagnard. Au lieu de cela, je chemine une bonne partie du temps en lisière de forêt, ce qui est parfait pour ces températures très estivales. 

  

Je m’égare un moment en confondant deux villages sur ma carte mais rien de sérieux et après 5 h de marche, j’arrive à l’entrée nord de la petite ville médiévale d’Orbe. Ici ont été découvertes dès le milieu du 19e s. de magnifiques mosaïques romaines qui pavaient huit de la centaine de pièces d’une luxueuse villa rustica gallo-romaine, ou plutôt complexe agricole, construite vers 160 ap. J.-C. Il n’existe plus que les fondations cachées sous la terre car les murs ont servi de carrière depuis les invasions barbares. Ce site de Boscéaz est un des plus important ensemble de mosaïques du genre du nord des Alpes. Quatre pavillons les protègent des affres du temps. Elles représentent soit des formes géométriques soit des scènes figuratives. Un autre pavillon explique le site en détail, avec film et maquette. C’est très impressionnant de se rendre compte qu’il ne s’agissait pas d’une seule et unique bâtisse mais d’un corps principal de bâtiments luxueux, avec autour des maisons pour les artisans et les paysans, le tout protégé par un immense mur d’enceinte. Le maître des lieux devait vraiment être quelqu’un d’important de l’époque, mais bizarrement on ignore son nom. De plus la villa a été abandonnée sans que la raison en soit connue. 

 

 

 

Orbe/Chavornay - Cossonay    

25 km 

  

Après une nuit très reposante chez la dynamique Daisy, au village de Chavornay, près d’Orbe, je prends le temps de flâner dans cette jolie petite ville médiévale, construite sur les méandres de la rivière du même nom. En sortant, le chemin me mène d’abord en direction de gorges romantiques. Ensuite, toujours par le même côté, au pied des montagnes et par des forêts superbes, il conduit à la cité médiévale monastique de Romainmôtier, nichée dans la vallée du Nozon. 

  

C’est le plus beau site clunisien du pays et son abbatiale est extrêmement célèbre, en raison de son exceptionnel état de conservation. C’est l’une des plus grandes et la plus ancienne de Suisse. Il faut savoir que l’abbaye de Cluny a essaimé sa richesse sur 1400 sites différents en Europe. L’abbatiale fut construite aux 10e/11e s. par des moines clunisiens, sur les ruines d’un couvent des 5e et 7e s. J’apprends  du reste qu’il ne s’agissait rien de moins que du premier couvent du pays. La première église date de 450 ap. J.-C., fondée par St-Romain. La maison du prieur, qui date du 13e s. et abrite notamment le musée du couvent, est aussi parfaitement remarquable. Elle était destinée à accueillir les hôtes de marque du Père supérieur. Ses diverses salles témoignent de ce passé prestigieux. 

  

Je continue après ma visite vers le sud, et passe devant l’un des deux fours de fonte du fer du 6e s. La région était déjà habitée par les Romains. Il faut dire qu’on ne manquait pas d’eau par ici. En traversant les forêts, on arrive par une superbe ballade jusqu’aux gorges du Nozon et la Tine de Conflens. On appelle cet endroit le «Milieu du Monde» car les eaux coulent aussi bien vers la Méditerranée que vers la Mer du Nord. Après une pause dans cet endroit idyllique, je continue à travers champs jusqu’à la prochaine petite ville, Cossonay, qui marque la fin de ce tronçon de chemin. 

 


 

Cossonay  - Lausanne  

15 km 

  

Cette brève étape longe ou surplombe la Venoge, rivière emblématique du canton de Vaud depuis qu’elle a été célébrée dans les années 1950 par le poète et chansonnier Gilles.  

C’est une promenade très agréable à travers bois, sans aucune difficulté. Je me rends directement jusqu’au parc du Signal, offrant une vision parfaite sur la ville qui plonge abruptement sur le lac Léman et un magnifique panorama sur les Alpes françaises de l’autre côté du plan d’eau. Le temps est absolument splendide et les promeneurs profitent des derniers jours de vacances. Je prends le chemin vers la vieille ville, ou Cité, où se dresse la cathédrale. Je m’étais déjà trouvé à ce même endroit il y a un mois lors de mon arrivée depuis Moudon, sur le chemin de Fribourg. Cette fois je prolonge la visite jusqu’à l’hôtel de ville, un remarquable édifice renaissance du 17e s. qui se trouve en contrebas de la Cité, place de la Palud. C’est bien évidemment le point central de la ville, où convergent un grand nombre de rues piétonnes commerçantes. Ce dimanche la ville est complètement plongée dans la torpeur estivale, excepté les petits groupes de touristes réunis autour de la cathédrale.  

 



 

Lausanne - Montreux  

24 km 

  

Il s’agit de la plus belle des étapes suisses puisqu’elle traverse de part en part la magnifique région de Lavaux, inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO. Elle fait partie des vignobles les plus connus de Suisse. Au 12 e s., l’évêque de Lausanne permit aux moines cisterciens de cultiver la terre sur ces terrains plongeant abruptement dans le lac. La vigne profite pleinement dès lors des miroirs que forment le lac et les murs de pierre. Le chemin serpente doucement entre les vignobles en terrasses et il m’en met plein la vue, car je profite d’un temps de carte postale. De plus j’ai la chance de passer en milieu de semaine et m’épargner ainsi le flot des promeneurs. Seuls quelques vignerons, affairés sur leurs parcelles escarpées, sont visibles. Je suis impressionné par le dénivelé du vignoble et pense aux moines qui avaient défriché ces terres et construits les premiers murs de pierre au Moyen Age. De nos jours, même avec des moyens mécaniques, le travail est très pénible. Je me promène aussi à travers le village célèbre grâce au poète Gilles, St-Saphorin, qui a un cachet fantastique. L’histoire du village commence à l’époque romaine et son nom vient de St-Symporien, à qui l’église du 6e s. était dédiée. Le village faisait partie des «Terres de l’évêque» au Moyen Age. C’est d’ailleurs le dernier d’entre eux en terre vaudoise, Sébastien de Montfalcon, qui  fit construire l’église gothique actuelle en 1520. La prochaine ville est Vevey, siège de la multinationale Nestlé. Vevey et Montreux sont les deux principales villes de ce que l’on nomme communément ici la «Riviera», en rapport avec son climat. La saison estivale bat encore son plein avec son lot de touristes moyen-orientaux qui se promènent au milieu des palmiers. Je passe devant les statues des deux célébrités en relation avec la région, soit Charlot à Vevey, et Freddie Mercury à Montreux. La ville rend aussi un hommage à Claude Nobs, le fondateur du Montreux Jazz Festival, décédé tout récemment.  

 



 

Montreux - Aigle  

17 km 

  

Je profite du calme matinal pour flâner un moment sur les quais de Montreux, avant de me diriger vers le bourg de Veytaux et la curiosité la plus importante sur le chemin, le château de Chillon. La forteresse avait été occupée par les Savoyards avant la «libération» du pays par les troupes réformées bernoises. Après avoir immortalisé ce magnifique château baignant ses imposantes murailles dans le bleu Léman, je continue vers le village de Villeneuve, puis poursuitt en direction de la plaine du Chablais jusqu’à Aigle. La localité est située sur la route commerciale vers le Valais puis l’Italie, d’où son développement important. Elle a aussi profité de l’abondance de sel qui se trouvait dans le sous-sol. En 1798, l’exploitation a toutefois été définitivement concentrée dans la localité de Bex toute proche. Pas moins de trois lignes de petits trains de montagne prennent leur départ à aigle, pour relier les touristes aux belles stations des Alpes vaudoises et valaisannes, Leysin, Les Diablerets et Champéry 

 



 

Aigle - St-Maurice  

18 km 

  

Le chemin se dirige en direction du château d’Aigle, en passant par le très joli petit bourg, où se dresse l’église St-Maurice. Il s’agit d’un édifice d’un mélange des styles roman et gothique dont les origines remonte au Moyen Age, vers 1140. Un monastère lié à l’abbaye d’Agaune se trouvait à cet endroit, avec une chapelle. Le monastère avait disparu depuis longtemps lorsque l’église devint paroissiale, dès l’Edit de Réformation, au début 1528. C’est dans cette ville que le Réformateur Guillaume Farel a prêché, Aigle a été le premier territoire de langue française à entrer dans la Confédération suisse, en 1476. Il a été intégré à la République de Berne et de ce fait a été le premier bastion de la réformation en pays francophone. 

  

Les armoiries belle des seigneurs de Berne trônent à l’entrée du château. Ce dernier est un bâtiment d’importance nationale, édifié au 12 e s. pour la Maison de Savoie et qui a justement été marqué dès 1482 par une reconstruction de ses seigneurs bernois qui l’avaient partiellement incendié lors de sa prise, pendant les guerres de Bourgogne, en 1475. Il a été restauré depuis les années 1970 jusqu’à récemment et abrite le Musée vaudois de la vigne et du vin. J’apprends d’ailleurs que le château hébergeait les caves des Confédérés. Le musée présente entre autres une formidable collection d’étiquettes de bouteille de vin du début du 19e s. jusqu’à 1960. Il trône au milieu de superbes vignobles et je contemple pendant un bon moment le spectacle majestueux qu’il représente. Le chemin mène ensuite sur les coteaux et la forêt qui surplombe la plaine du Chablais. Le spectacle est de toute beauté. J’atteins ensuite le village viticole d’Ollon puis remonte à travers son vignoble en direction du hameau d’Antagnes. Ensuite c’est la descente abrupte jusqu’en plaine, en longeant la rivière Gryonne. J’atteins les rives du Rhône, qui sépare le Chablais vaudois et valaisan, à la hauteur de Monthey. Le fleuve se traverse sur la passerelle piétonne de Massongex, premier village valaisan que je traverse, et il ne me reste plus qu’à longer la voie ferrée pour arriver au défilé de St-Maurice, gardé par un beau château-fort. La petite cité est connue dans l’Europe entière en raison du martyre de Maurice, chef de la légion thébaine. Ses 6600 compagnons ont été égorgés à l’entrée de la ville, côté sud, dans la plaine de Vérolliez. Dès la fin du Ve s. les pèlerins accourent et leur nombre croissant a conduit à la fondation de l’abbaye. 

La Via Francigena 

L’envie m’est venue de parcourir également les chemins suisses de la Via Francigena. Il a été tracé sur la description faite par l’archevêque de Canterbury Sigéric. Il était venu à Rome rencontrer le pape en 990 et son périple avait constitué le fondement de cette «voie des Francs», qui suivait déjà les anciennes voies romaines et que les marchands continueront d’emprunter au fil des siècles, à quelques variantes près. Le chemin est balisé dans les deux sens mais la plupart des pèlerins, appelés «romeux», se dirigent tout naturellement vers Rome. Cela va me donner l’occasion de découvrir la Suisse occidentale, après avoir parcouru au printemps le côté opposé du pays. Contrairement aux chemins de St-Jacques, je ne ferai que de brèves étapes de ce chemin.