Sur les traces des Jacquets 

L'important ce n'est pas le but, l'important c'est le chemin. 

L'Europe par les Chemins de St-Jacques de Compostelle 

Caminoropa 

 

 

 A propos - Contact - Accueil                                                                               Copyright 2021                                                                                         

château de Josselin
Gap

la Via de la Plata 

de Séville à Santiago, septembre 2021 

Ce chemin plus de deux fois millénaire constitue la colonne vertébrale de l'Espagne qui relie le sud au nord, de Séville à Astorga. Il existait déjà l'age de bronze mais ce sont surtout les Romains qui en ont fait une route majeure après leur conquête de la péninsule, en développant commerce et villes. Les Wisigoths et les Maures l'ont tour à tour utilisée durant leur période faste. Plusieurs tronçons et vestiges très bien conservés la jalonnent encore de nos jours. En cette année jacquaire, je la suivrai sur sa plus grande longueur, avant de bifurquer après Zamora pour emprunter le chemin sanabrique et rejoindre finalement la Galice. 

Séville - Castilblanco    

55 km 

  

Ce dimanche 12 septembre, Je quitte une Séville endormie au petit jour, après un bref passage devant l'église St-Jacques, qui est en travaux. Je passe le Guadalquivir et après la traversée des friches de l'Expo universelle de 1992, je rejoins Santiponce, ville qui abrite des magnifiques ruines de la cité antique d'Italica, première ville romaine créée en Hispanie, pour les vétérans des guerres contre Carthage. Après avoir flâné une heure parmi ces ruines, je rencontre un premier pèlerin à vélo, Luis, un Espagnol parti 3 jours plus tôt de Cadix. Après avoir brièvement roulé sur la nationale (N 630), qui me guidera jusqu'à l'entrée de la Sanabrie, je bifurque afin de rejoindre le chemin décrit par le guide Lepère et rejoins Guillena et Burquillos, avant d'entamer la première montée très pénible sous une chaleur étouffante et rejoindre le joli village de Castilblanco, dont les murs blancs étincellent sous le ciel d'azur. En raison des restrictions Covid, comme souvent sur le chemin, le refuge communal est fermé mais je trouve un hébergemnt grâce aux bons conseils des gens du bar situé en contrebas du refuge.  

 

 

Castilblanco - Zafra    

120 km 

  

La veille constituait une petite mise en jambe, aujourd'hui ce sera une très longue étape, que je débute dans la nuit, pour échapper un peu à la chaleur andalouse. C'est un réel enchantement de traverser le parc naturel de El Berrocal, dans la Sierra Norte, où j'entends un cerf brâmer dans le lointain. Le jour venu, beaucoup de porcs ibériques se repaissent en liberté des glands au milieu des chênes-liège et des eucalyptus. Après avoir atteint le col au nom évocateur "El Calvario", je roule sur une première descente pour atteindre le village d'Almaden de la Plata. Après un petit casse-croûte bien mérité, je prends une merveilleuse petite route sinuant au milieu des montagnes de la Sierra, et descends jusqu'à Santa Olalla. Ensuite, je roule sur la nationale très peu fréquentée et atteins Monesterio, où je vois les premiers nids de cigogne, sur les tours de l'église St-Pierre. Les paysages d'Estrémadure se succèdent, champs d'herbe jaunie à perte de vue. Par chance, le ciel s'est couvert et je ne souffre pas trop de la chaleur, ce qui me permet finalement d'arriver à Zafra, aussi appelée le "petite Séville", où le couvent San Francisco et son refuge de pèlerins m'accueille à bras ouvert. C'est un réel plaisir de se promener dans les ruelles médiévales et sur la très belle plaza Grande. Possession maure, au temps du royaume d'al-Andalus, Zafra a été prise par le roi de Castille, Alphonse X, en 1229. L'ancien alcazar (palais-forteresse en arabe) est devenu au XVIe s. le palais des ducs de Feria, avant d'être transformé au XXe s en hôtel de luxe. 

 

Zafra - Merida    

62 km 

  

Je file à vive allure sous des nuages bas et menaçants dans la "tierra de Barros", contrée prospère agricole avec une terre argileuse et rougeâtre. Peu avant l'arrivée à Mérida, la plus importante ville d'Extrémadure, comme il y a 2000 ans, un déluge s'abat sur moi, ce qui m'oblige à m'abriter sous des ponts et des abris bus. Le refuge est de nouveau fermé, je sillonne l'ancienne capitale de Lusitanie, qui recèle quasiment partout des vestiges et ruines antiques. A certains endroits, on a carrément construit des immeubles par-dessus, en les surélevant avec des piliers pour laisser les vestiges visibles, une vision très impressionnante. Le colossal pont de Guadiana, à l'entrée de la ville, est aussi extraordinaire : 60 arches, 792 m de long, 4.50 de large... et toujours en service !je prends des photos et l'emprunte pour entrer dans la ville, qui a été fondée en 25 av. J.-C. par l'empereur romain Auguste. Occupant une position stratégique, au carrefour des grandes voies reliant Séville à Astorga et Tolède à Lisbonne, Mérida est vraiment une ville qui vaut vraiment la peine de visiter, avec ses magnifiques monuments, surtout le théâtre, qui pouvait accueillir 6000 spectateurs, avec une parfaite accoustique. Il est l'un des mieux conservés de tout l'empire romain. L'amphithéâtre, situé juste à côté, inauguré en l'an 8 av. J.-C., pouvait accueillir 14000 spectateurs et le cirque "Maximus", qui accueillait les jeux du stade que pouvaient suivre 30000 spectateurs ! Et ne pas omettre le  musée national d'Art romain, inauguré en 1986, dont ses collections sont les plus importantes de cette époque, hors d'Italie. 

  

 

Merida - Caceres    

75 km  

  

Je quitte aujourd'hui la province de Badajoz pour entrer dans celle de Caceres. Les paysages sont magnifiques, véritable "steppe" composée de vastes pâturages et de rares villages. avec quelques raidillons. J'avance rapidement, jusqu'à la première crevaison, au plein milieu d'un camp militaire, à l'entrée de Caceres. La vieille ville garde un remarquable ensemble de maison des XVe et xvIe s, trouvant leur style dans les influences islamique, romane gothique et Renaissance. Ce riche ensemble architectural est du reste inscrit au patrimone mondial de l'humanité, tout comme Mérida. Ceint d'une muraille, le centre historique abrite l'un des plus beaux ensembles monumentaux d'Espagne, avec es palais de familles nobles, qui se sont livrées, après la Reconquista, à d'incessantes guerres internes. Une nouvelle crevaison accapare malheureusement ue bonne partie de mon temps, et je dois attendre l'ouverture des magasins pour trouver un nouveau pneu. En définitive, je décide de regagner le temps perdu en prenant le bus jusqu'à Plasencia, sautant l'étape de Canaveral. 

 

 

 

Plasencia - Béjar    

73 km 

 

Cette journée va m'offrir une des points marquant de la via de la Plata, la visite de Caparra et son arche à 4 entrées absolument remarquable. La ville était l'une des plus importantes de la province romaine de Lusitanie. L'arc qu'on appelle un tetrapylum a des caractéristiques uniques en Espagne. C'est l'unique édifice encore debout de cette ancienne grande cité, l'une des plus importantes de Lusitanie, occupant alors plus de 16 ha, riche de ses temples, son amphithéâtre et son forum. Détruite par les Vandales, au Ve s, elle ne fut jamais reconstruite. Après ce moment fort, je reviens sur la Nationale et après avoir traversé Banos de Montemayor, déjà appréciée par les citoyens romains pour ses eaux sulfureuses et minéralisées de la source à 43 C°, une nouvelle mais magnifique difficulté me fait monter de Barros de Montemayor au col de Puerto de Bejar, à 945 m. Je passe dans la région Castille et Leon par une portion de voie romaine rectiligne très bien conservée. La vue est superbe et donne sur un passage très encaissé, le corridor de Béjar. Je me repose dans la vallée avant d'affronter les premiers contreforts désolés de la Meseta, ce haut plateau au climat continental. 

 

 

Béjar - Salamanca    

75 km 


 

Les villages de la région connaissent un exode rural. Je me sens un peu seul au monde , je franchis avec soulagement le Pic de la Duena à 1169 m d'altitude, qui surplombe le plateau de Salamanque, sec et totalement dépouillé de verdure, qui contraste avec le paysage tourmenté du corridor de Béjar. Je me trouve ainsi déjà à la moitié de ma route. Une croix de Saint- Jacques a été érigée dans le secteur par les amis de la via de la Plata. Salamanque recèle d'innombrables trésors et vaut largement une visite prolongée. Cette grande ville universitaire, l'une des plus anciennes et réputées d'Europe (au même titre que Paris ou Oxford)  recèle des trésors, notamment les 2 cathédrales  des XIe et XVIIIe ainsi que la Casa de las conchas. La "plaza Mayor" est aussi l'une des plus belle d'Espagne.  

 

 

 

Salamanca - Zamora    

65 km 


 

C'est une étape assez plate et monotone, mais plutôt courte qui relie ces villes. Manque de chance, je crève à nouveau peu avant la ville de Zamora. Cela me décide donc de re pas poursuivre ma route et passer le reste de la journée et la soirée sur les bords du Duero. La ville a été un pont d'appui des troupes catholiques durant la reconquête sur les Maures. Elle abrite plusieurs églises romanes, et près des remparts et du château, une belle cathédrale du XIIe s. reconnaissable surtout par la façade nord, avec sa tour-clocher romane et son curieux dôme à écailles d'influence byzantine. La cité a connu son âge d'orà la suite de la reconquête sur les Maures. Le roi Ferdinand 1er a entrepris de la reconstruire, vers 1060, et a fait fleurir des églises (une vingtaine au total !) pour célébrer les victoires des armées catholiques sur les troupes islamiques. 

 

 

 

Zamora - Puebla de Sanabria 

115 km 

 

C'est une journée importante puisque je fais mes adieux à la via de la Plata qui file jusqu'à Astorga et bifurque vers le nord-ouest, sur le camino sanabrès. Les montagnes se rapprochent et les chênes-liège font place aux pins. La route monte régulièrement mais la température est très agréable. Je longe pendant quelques kilomètres la nouvelle voie de train à grande vitesse qui relie la Galice à Madrid. Je finis par arriver à la charmante localité de Puebla de Sanabria, modeste capitale de cette région isolée, avec des remparts magnifiques et un château du XVe s., endommagé lors des guerres avec les Portugais et les Français. J'ai entendu dire qu'il s'agissait d'un des plus beaux villages d'Espagne, avec ses maisons en granit et ardoise et en bois de châtaignier, ce qui est tout à fait envisageable. 

 

 

 

Puebla de Sanabria - Verin 

95km 

 

Le froid de la montagne me saisit au matin, le rideau de brume s'écarte lentement C'est un paysage magnifique, qu'on appelle pays des loups, qui m'amène jusqu'à un col à plus de 1200 m d'altitude, délimitant la frontière avec la Galice. Après une rapide descente jusqu'au premier village, Gudina, je dois décider du chemin à suivre. Par Laza et la montagne ou par Verin, plus bas dans la vallée. C'est cette seconde option qui semble la plus raisonnable pour un cyclotouriste comme moi, même si l'autre choix serait plus intéressant.  

 

 

Verin - Entrimo 

100 km 

 

La journée débute par une petite route de campagne très jolie et qui continue à monter de façon régulière jusquu'à Albergueria. Le temps est idéal, mais j'ai lu des récits de pèlerins sous la pluie et le brouillard dans ces contrées qui peuvent se montrer très éprouvantes. Le petit village est célèbre sur le chemin car il abrite le fameur bar "Rincon del pelegrino", où chaque pèlerin dédicace une coquille St-Jacques qui sera ensuite ajoutée aux centaines d'autres qui ornent murs et plafond. le patron Luis est absent mais un de ses amis m'accueille amicalement. Complètement requinquié, je reprends la route vers Villa de Barrio puis descends dans la vallée jusqu'à Xinzo. Après le ravitaillement, je repars pour une bonne montée en direction du Portugal, avec en poént de mire le lac Encoro des Conchas. Cette longue et magnifique journée s'achèvera à quelques kilomètres de la frontière pour une nuit bien méritée à Entrimo. 

 

 

Entrimo - Porrino 

115 km 

 

Ce tronçon que j'ai décidé de suivre depuis Xinzo ne fait plus du tout partie de la Via de la Plata, mais j'avais envie de revoir après mon premier périple il y a 2 ans cette belle région du nord du Portugal. Je rejoins donc par une très belle route ombragée la jolie ville de Ponte de Barca, où des cortèges en vue des prochaines élections municipales battent leur plein. je continue le long du Lima jusqu'à Ponte de Lima, où je traverse la rivière sur son magnifique pont ancien. C'est ensuite par des petits chemins avec une déclivité très importante que je me dirige jusqu'à la frontière entre Valença et Tui. Cette fois-ci je ne manque pas de visiter la jolie vieille ville et son imposante cathédrale-forteresse. Je remarque un grand nombre de jeunes pèlerins, ce que je n'avais encore jamais vu depuis mon départ. J'hésite à rester ici car l'ambiance est sympathique en fin de compte, je finis de rouler à la nuit tombante et sous de lourds nuages d'orage jusqu'à Porrino. 

 

 

 

Porrino - Santiago 

112 km 

 

La fin est proche mais cependant encore longue car je veux tenter de couvrir la distance qui me sépare à mon but en une seule journée. Je pars tôt mais contrairement aux tronçons andalous et en Extrémadure. le trafic est très important sur la N 550. Je ne me sens pas du tout en sécurité et suis soulagé lorsque j'ai la possibilité de quitter l'artère pour emprunter des routes plus à l'écart, même si moins directes. je prends ma pause-café à Redondela, dans un sympathique bar qui accueille à bras ouverts les pèlerins, puis rejoins la grande ville de  Pontevedra, qui est très animée en cette mi-journée. J'atteins ensuite un bras de mer mais aussitôt après c'est une très longue montée d'abord à Caldas de Reis, où un gentil couple de Portugais partis de Porto en tandem m'avertit des difficultés qui attendent les pèlerins depuis Padron. le dénivelé est effectivement plutôt important après tous ces kilomètres mais le nombre toujours plus important de pèlerins que je dépasse depuis ce matin indique bien que je suis sur la bonne voie. Vers 18 h j'entre enfin dans Santiago, par les faubourgs sans caractère du sud et finalement à la vieille ville, où je me dirige un peu nerveusement en direction de la cathédrale et la praza do Obradoiro. La route est finie, l'aventure est terminée... ou ne fait-elle que commencer ? Qui sait si je reviendrai pas un jour à Santiago, peut-être la prochaine année jacquaire, dans 6 ans ? 

 

 

 

 

la Giralda
ruines d'Italica
Merida, temple de Diane
l'arc de Caparra
Puebla de Sanabria
Rincon del Pelegrino
Caceres
Salamanque, casa de las conchas
Zamora
Statue St-jacques à Ponte de Lima